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“Mademoiselle” – Lorsque le cinéma rencontre la littérature

Lauren Philip 2 février 2021
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Photo : capture d'écran du film Mademoiselle

Après avoir connu de nombreux succès, notamment Joint Security Area en 2000 ou encore Old Boy en 2003, le réalisateur sud-coréen Park Chan-Wook revient en 2016 avec Mademoiselle, son dixième long-métrage.

Mademoiselle est l’adaptation du roman Du Bout des doigts de l’écrivaine britannique Sarah Waters paru en 2002. L’intrigue du roman prend place en 1862, où Susan Trinder, une orpheline londonienne, se voit proposer un marché par un escroc nommé Richard Rivers. Ces deux voleurs ont l’intention de duper une riche héritière orpheline, élevée à l’écart de la société par un oncle perfide. Cette histoire pleine de rebondissements et de complots ne cesse de surprendre le lecteur. Pour son adaptation, Park Chan-Wook élabore une version plus audacieuse de l’histoire en la transposant en Corée dans les années 30. 




Entre film historique, thriller et érotisme, le film ne se cantonne pas qu’à un genre. Fidèle à sa réputation de provocateur révolutionnaire, le réalisateur ose mettre en scène une relation entre deux femmes dans une Corée très conservatrice. En oscillant entre la psychologie des personnages captivantes et angoissantes et les nombreux rebondissements, Park Chan-Wook se réapproprie le roman tout en restant fidèle au squelette du récit. Il réinvente le roman de Sarah Waters, en y apportant une touche typiquement coréenne qui rend ainsi le film difficilement classable.

Ainsi, dans Mademoiselle, c’est au travers d’une narration complexe qu’un amour fragile naît. Tout en suivant le déroulement de l’histoire d’origine, le réalisateur rend le film érotique et angoissant ce qui nous permet alors de distinguer deux types d’amours. D’un côté, celui entre les deux femmes, sincère, ne voulant pas se posséder l’une l’autre, mais voulant atteindre une osmose entre elles, se cherchant constamment au travers de regards ou de frôlements. Et d’un autre côté, l’amour pervers mené distinctement par le comte et l’oncle qui ont pour intention de s’approprier l’argent de la maîtresse ainsi que son corps. 

De plus, dans ce mélange des genres, un message féministe se fait entendre. Ce dernier n’est que légèrement ressenti dans le roman, durant de brefs instants de doute de la part des personnages féminins principaux, puisque, le livre se focalise plus sur l’intrigue principale et les origines des deux femmes. Cette appropriation de l’histoire de la part du réalisateur sud-coréen donne un second souffle au roman de Sarah Waters. Le fait que Park Chan-Wook change la fin de l’histoire en s’alignant sur une pensée de Maud, l’un des personnages principaux du roman, rend l’histoire encore plus intrigante. Nous sommes face à une toute nouvelle histoire ainsi qu’une toute nouvelle morale puisque le dénouement inattendu plonge le spectateur dans un sentiment de confusion ne sachant pas qui trompe qui, et qui est trompé. 

C’est l’un des premiers films de Park Chan-Wook ne montrant pas une histoire d’amour naissant du gore ou de la violence. Tout est mis au service de l’émotion. La mise en scène, la bande originale, les costumes ou encore le jeu d’acteurs représentent un travail minutieux et acharné de la part d’une équipe technique en phase. La clé du film se trouve dans la mise en scène imaginée par le réalisateur. Comme l’annonce le journal Positif : “Tout n’est que mise en scène et le grand ordonnateur suprême et magnifique n’est pas le Comte mais Park Chan-Wook.” Pourtant, cette mise en scène reçoit des avis mitigés au sein des critiques de cinéma. Malgré tout, au vu de toutes les qualités de cette adaptation, il n’est pas étonnant d’apprendre que Mademoiselle est considéré comme l’un des chefs d’œuvres de la filmographie du réalisateur sud-coréen.  

En définitif, Park Chan-Wook reste extrêmement fidèle à la matière de base de son film en suivant le déroulement de l’histoire d’origine, et en insérant des références au roman avec des clins d’oeil disséminés tout au long du long-métrage. Pourtant, grâce à ce que l’on peut voir comme de simples détails de prime abord, le réalisateur imprègne le film de sa vision et de ses idées. Ces choix lui permettent de rester sur la limite entre adaptation fidèle et innovation, qui déroute autant les connaisseurs du roman britannique que les néophytes. Et si ce n’est pas déjà fait, on ne peut que vous recommander de le voir ! 

Propos de Lauren Philip

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